YL : Guy, nos lectrices et nos lecteurs vous connaissent comme un ardent défenseur de la nature et du vivant (https://yonnelautre.fr/spip.php?auteur3190), et superbe surprise, vous écrivez des poèmes depuis très longtemps ?
J’ai la passion de l’écriture et... de la poésie depuis le lycée, donc cela fait depuis bien des années et d’ailleurs, j’ai participé dans les années 70 à la création de l’Essor poétique qui regroupait et qui regroupe toujours les poètes vendéens ! L’écriture et bien sûr la poésie ont toujours été étroitement liées à mon engagement pour l’environnement dont j’ai fait mon métier, puis par la suite à celui de la protection de la nature et de la biodiversité dans les associations environnementales et principalement à la LPO !
YL : Qu’est-ce qui vous a fait franchir le cap de l’édition ?
Très peu de personnes, en dehors de mes cercles familiaux et amicaux, savaient que j’écrivais…C’est mon ami Allain Bougrain Dubourg qui, lorsqu’il l’a découvert, il y a environ un an et demi de cela, m’a encouragé à me faire publier. Il connait le monde de l’édition et m’a accompagné dans mes premières démarches. J’ai contacté plusieurs maisons d’édition. Certaines m’ont d’abord dit qu’elles avaient des manuscrits en attente de publication pour au moins les deux prochaines années, d’autres trouvaient le format de 432 pages trop imposant, surtout pour de la poésie. Les Editions Baudelaire, quant à elles, n’ont pas mis très longtemps à me répondre pour me dire qu’elles allaient soutenir mon projet.
L’engagement écologique que mon ouvrage défend les touchait et elles avaient envie de me suivre dans cette aventure. Cela a pris presque six mois pour que le recueil « Sur les chemins du vivant » puisse voir le jour.
Il y a eu bien sûr plusieurs rendez-vous avec différents professionnels et puis toute une phase de conception et de relecture. Il fallait corriger les coquilles mais surtout être très vigilant sur la mise en page. Dans la poésie chaque détail compte. La forme a son importance.
Au total, cela m’a demandé sept relectures intégrales.
YL : Guy, pourriez vous nous expliquer le choix du titre de votre "Sur les chemins du Vivant" ?
Tout au long de notre vie, nous "cheminons", nous avançons vers un avenir qui certes n’est pas toujours celui que nous espérons, celui qui nous conduit vers une recherche de bien-être avec ceux qui nous entourent et qui nous sont chers, avec un besoin d’amour et fraternité. Quant au "vivant", il a toujours fait partie de ma vie depuis mon enfance paysanne et de mes études orientées vers la biologie et l’agronomie. Donc le choix du titre était, si je puis dire, tout naturel ! Le titre de l’ouvrage propose ainsi à chacune et chacun d’être attentifs à la diversité de la nature et d’aller à la rencontre de l’ensemble de ces vies auxquelles nous ne prêtons pas suffisamment attention et qui méritent pourtant tellement d’admiration !
YL : Comment avez-vous structuré ce livre ?
Le recueil est en quelque sorte une anthologie puisqu’il regroupe des poèmes écrits depuis ma jeunesse et puis tout au long de ma vie mais la plus grande partie date depuis le début des années 2000. Il est structuré en 18 sous-recueils avec des thèmes liés à l’enfance, aux voyages, à mes lieux de vie comme la Vendée et la Bretagne, à notre « enfermement » pendant le long confinement du COVID, aux saisons, aux oiseaux bien sûr, aux arbres, aux « murmures et aux confidences », aux « refuges et aux délivrances », comme « aux fulgurances » de la nature et du vivant ! Les formes d’écriture privilégient les vers libres et la prose poétique mais l’alexandrin et même le sonnet ne sont pas oubliés !
YL : Ce livre est d’abord empreint de votre enfance...
Bien sûr car j’ai été élevé dans une famille paysanne et j’ai reçu une éducation faite à la fois du savoir-faire des hommes et des femmes de la campagne, de leur labeur, de leur juste suffisance et de leur belle fraternité !
YL : Beaucoup de vos textes invitent à une immersion dans le vivant, parfois dans des lieux nommés…
Mon pays d’enfance, comme je le disais, est situé entre plaine et bocage et proche de la mer. Il m’a immergé immédiatement dans le vivant mais j’ai aussi pratiqué la randonnée en montagne, et depuis les années 2000 et ma venue dans l’Yonne à des allers et retours jusqu’aux merveilles du lac du Der mais j’ai fait aussi plus simplement et très régulièrement le tour de mon jardin et partagé la forêt de Branches toute proche et qui m’accueille à quelques centaines de mètres de chez moi…Cette immersion m’amène à me questionner chaque jour à ce que seront nos lendemains mais chaque doute, chaque crainte, chaque vision pessimiste sur le devenir de notre terre sont aussitôt suivis d’une forme d’espérance comme si on pouvait encore croire chaque matin en se levant en l’humanité pour que le monde soit meilleur, soit plus juste et pourtant dès le lendemain, des évènements « me font douter de la venue des lumières de l’aube, recouvrant d’obscurité l’échine de la terre ».
YL : Peut-on croire justement en cette forme de résilience ?
C’est à mon sens ce que peut nous apporter la poésie, l’émotion, le besoin de croire en un monde meilleur, en cette résilience. Mais cela bien entendu ne suffit pas. Cela ne doit pas nous empêcher d’agir, de réveiller les consciences, de s’engager « pour les causes les plus nobles, celles qui exaltent les vertus des cœurs prêtes à soulager les êtres les plus faibles et les plus démunis ».
Mes textes sont très orientés sur la nature, le devenir de la Terre…La poésie est un moyen pour exprimer le pessimisme ambiant tout en gardant une touche d’espoir et d’optimisme.
YL : Que faut-il pour qu’un texte vous touche ?
Il y a déjà la beauté de la langue, la musicalité des phrases. J’aime quand un texte coule de source. Des poètes comme Aragon, ont une langue extraordinaire tout en restant accessibles au plus grand nombre. La poésie peut parfois être assez énigmatique. Certains poèmes font de la résistance, cela peut être beau mais je préfère quand un texte offre un accès plus immédiat.
Je pense qu’en ce qui me concerne, ma syntaxe le permet.
L’écriture est avant tout un plaisir alors l’important est aussi d’écrire ce que l’on aime.
YL : Maintenant que cette anthologie est sortie, vous vous confrontez sans doute au travail nécessaire de promotion mais avez-vous aussi d’ores et déjà d’autres projets en lien avec l’écriture ? D’autres envies ?
Suite à la sortie de « Sur les chemins du vivant », j’ai repris contact avec l’association vendéenne de l’Essor poétique qui m’a annoncé qu’ils organisaient cette année un concours de poésie auquel j’ai décidé de participer. Les résultats seront connus en mai.
On pouvait concourir soit à la fois par des sonnets, de la poésie libre, des haïkus, et un autre style que je n’avais jamais expérimenté : la fable ! Ce style tombait sous le sens et je me suis demandé pourquoi je n’avais pas essayé d’en écrire plus tôt…
Aujourd’hui, dans l’Yonne, on vient, par exemple, de déclasser le renard de ce que l’on considère comme animaux « nuisibles » alors qu’il est très utile. Ce genre de thématique devient facilement un sujet de fable.
Mon premier texte issu de ce genre s’appelle ainsi « Le renard et le paysan ». J’en ai rédigé d’autres depuis sur les macareux, le cormoran, le loup ou encore le blaireau… Dans cette dernière fable, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un lien avec l’actualité, avec la guerre. Ce que l’on fait subir au blaireau correspond à ce que l’on fait aussi subir à l’Homme. Je compose des fables « d’aujourd’hui ». Elles sont rimées mais assez libres sans forcément respecter toujours l’alexandrin.
J’ai déjà une soixantaine de pages d’écrites sur plusieurs thèmes… Et avec les évènements du monde actuel, l’inspiration ne manque pas.
Je vais aussi participer au Printemps des Poètes le 23 mars 2024 à la librairie Le Millefeuille à Clamecy.
Naturellement, je poursuis également mon engagement au sein de la LPO.
Photos : Jean-Paul Leau