La justice, bouche cousue ? 3.07.24
À l’heure où l’extrême droite est à nos portes et pourrait mettre en œuvre un programme de gouvernement consacrant le recul des droits des personnes qu’elle désigne comme étrangères, les discriminations et l’abandon des grands principes de notre justice tels que l’individualisation de la peine, l’atténuation de responsabilité pénale des mineurs ou l’égalité de tous et toutes devant la loi, le Syndicat de la magistrature estime de son devoir d’alerter sur les risques inhérents à son arrivée au pouvoir, comme le font d’autres acteurs de la société civile et représentant·es de certaines institutions
https://www.syndicat-magistrature.fr/notre-action/defense-des-libertes/droits-des-etrangers/2681-communique-la-justice-bouche-cousue.html

 Les 12 mesures prioritaires pour la justice 26.06.24
Pour remédier à la quasi-absence du thème de la justice dans les programmes des différents partis politiques en vue des élections législatives, nous proposons 12 mesures qui devraient prioritairement être mises en œuvre pour construire une justice plus indépendante, plus égalitaire et plus protectrice des libertés et des personnes.
https://www.syndicat-magistrature.fr/qui-sommes-nous/nos-combats/2675-elections-legislatives-12-mesures-prioritaires-pour-la-justice.html

 Ni "hold-up démocratique"1, ni "coup d’état du droit"2, le service minimum du Conseil constitutionnel 29.01.24
Sans surprise, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 janvier 20243, a censuré 32 des 84 articles qui composaient la loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, adoptée le 19 décembre 2023 et publiée dans l’urgence dès le lendemain.
Des dispositions concernant le regroupement familial, les étrangers malades, les étudiants, le rétablissement du délit de séjour irrégulier, l’hébergement d’urgence, la protection sociale, les restrictions du droit du sol, la déchéance de nationalité ont donc été censurées comme cavaliers législatifs sans lien avec l’objet du texte initial.
A l’issue de manœuvres et tractations politiciennes sans précédent, le Gouvernement a assumé le vote d’une loi très largement inconstitutionnelle, se félicitant de la validation de quelques dispositions, soutenu par un chef de l’Etat bien loin de son rôle de garant de la Constitution. Cette situation relève d’une grave crise des institutions censées avoir la Constitution comme boussole. Lors de ses vœux, le président du Conseil constitutionnel rappelait que « le Conseil constitutionnel n’était ni une chambre d’écho des tendances de l’opinion, ni une chambre d’appel des choix du Parlement mais le juge de la constitutionnalité des lois », définition simple mais « probablement pas ou pas encore intégrée par tous ».
Prophétie auto-réalisatrice ou non, il n’a pas fallu très longtemps à ceux qui voudraient faire tomber notre Etat de droit pour s’attaquer au « gouvernement des juges » et critiquer la décision des Sages. Ces sorties politiques sont l’expression d’un risque pour la démocratie et pour nos institutions, tant le législateur et le pouvoir réglementaire espèrent parfois se situer au-dessus de la Constitution.
Toutefois, si le nombre d’articles censurés pourrait laisser croire que la loi immigration s’est vidée de sa substance, il n’en est rien. La décision du Conseil constitutionnel procède essentiellement d’un toilettage
procédural, sans affirmer le moindre principe constitutionnel à l’égard des étrangers. En outre, de nombreuses dispositions que nos organisations estiment inconstitutionnelles n’ont pas été examinées par
le Conseil constitutionnel et sont entrées en vigueur en l’état. Cette loi porte, par exemple, à trois ans le
délai d’exécution des obligations de quitter le territoire français. Elle met fin à la collégialité en matière
d’asile et étend la visioconférence pour les étrangers placés en rétention administrative. Elle supprime la
protection contre l’éloignement pour des étrangers ayant de très fortes attaches avec la France et
généralise la double peine. Elle fragilise la prise en charge des mineurs non accompagnés et précarise un
peu plus les demandeurs d’asile. Cette liste de régressions – non exhaustive – ne peut qu’inquiéter et
requiert une mobilisation de chaque instant.
De plus, en déclarant, en toute logique, contraires à la Constitution les cavaliers législatifs par une formule sibylline, le Conseil constitutionnel laisse la porte ouverte à une nouvelle proposition de loi les reprenant.
Des lignes sont franchies et de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux sont portées. On
stigmatise ceux qui « ne sont pas français », en tentant de les rendre responsables de tous les maux de
notre société. Sous couvert d’une opinion publique, dont les préoccupations sont en réalité bien ailleurs,
le gouvernement non seulement fait céder les digues, mais a également joué à un jeu dangereux pour nos
institutions en bradant les principes démocratiques qui nous font tenir ensemble.
Nos organisations restent vigilantes tant sur l’entrée en vigueur des dispositions non censurées, que sur
les futures évolutions législatives en matière de droit des étrangers ainsi que sur les discussions en cours
sur le Pacte européen en matière d’immigration.
1 https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/direct-loi-immigration-le-president-des-republicains-eric-ciotti-
denonce-un-hold-up-democratique-du-conseil-constitutionnel_6327072.html
2 https://www.lefigaro.fr/politique/loi-immigration-apres-la-large-censure-du-conseil-constitutionnel-wauquiez-
denonce-un-coup-d-etat-de-droit-20240125
3 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/2023863DC.htm

 En 2024, Attalons-nous à l’indépendance du parquet et à la déflation pénale 15.01.24
L’annonce de la reconduction d’Eric Dupond-Moretti dans ses fonctions de ministre de la Justice n’aura
manifestement été une surprise pour personne, tant les probabilités étaient faibles pour qu’il cède sa
place, après être devenu l’un des plus fervents fidèles d’Emmanuel Macron. Ministre depuis maintenant
3 ans et demi, le voici donc bien placé pour battre le record de longévité à la Chancellerie, détenu par
Jean Foyer depuis 1967.
Et pourtant, un vent de nouveauté souffle sur le dialogue social : à la suite de la relaxe du garde des
sceaux par la Cour de justice de la République, nous l’avons rencontré le 8 décembre, pour la première
fois depuis près de 3 ans, afin de « crever des abcès » – selon ses dires –, fixer le cadre de nos futurs
échanges et mettre en avant nos priorités de travail.
L’une d’entre elles, sur laquelle nous sommes d’ailleurs tombés d’accord : la lutte contre la
surpopulation carcérale. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça commence mal. Alors que le
nombre de détenus a atteint un énième record (75 677 détenus au 1er décembre 2023) – soit un bond de
+17 000 détenus depuis juillet 2020 – et que plus de 17 000 personnes détenues sont en surnombre par
rapport à la capacité opérationnelle des prisons françaises, la principale réponse, depuis 2018, est
l’annonce d’un énième plan de construction de 15 000 nouvelles places de prison – 18 000 depuis
l’adoption de la loi d’orientation et de programmation pour la justice – à l’horizon 2027. L’inefficacité
d’une telle politique, extrêmement coûteuse, ne cesse pourtant d’être démontrée. Depuis les années 80,
les plans de construction se succèdent, la surpopulation carcérale s’aggrave.
Face à l’urgence, il est indispensable de créer un mécanisme légal et contraignant de régulation
carcérale et d’enclencher sans attendre un mouvement de déflation pénale ce qui semble tout aussi mal
engagé, à l’heure où le Gouvernement poursuit son virage à droite, en prônant des réponses
exclusivement répressives aux violences urbaines de l’été 2023 et en préparant la machine pénale à
tourner à plein régime pour les jeux 2024.
Une autre priorité doit être de redonner à l’office du juge civil toute la place qui devrait être la sienne
dans un service public de la justice aux moyens enfin renforcés. Puisse 2024 être l’année qui mettra un
terme au démantèlement ininterrompu de cette justice garante de la paix sociale, qui écoute, protège ou
concilie mais est aujourd’hui marginalisée au profit d’une justice qui réprime et enferme.
Dans ce « nouveau » Gouvernement, la Justice se voit rétrogradée au 8ème rang protocolaire, loin
derrière l’Intérieur, derrière les Jeux Olympiques et Paralympiques et la Culture. Cela n’est pas qu’un
symbole, à l’heure où les inquiétudes relatives au non-respect de l’État de droit et du rôle des juges par
des représentants de l’exécutif ont été vigoureusement exprimées par des membres du Conseil
constitutionnel, de la Cour de cassation ou encore de l’Académie française.
Pour autant, certains espoirs restent permis, dont l’un apparaît réaliste si 2024 voit se concrétiser la
perspective d’une réforme constitutionnelle : plus rien ne pourra effectivement s’opposer à ce que la
modification du statut du parquet passe enfin du vœu à la réalité.
Meilleurs vœux !
http://www.syndicat-magistrature.fr/

 Décision de la Cour de justice de la République concernant Eric Dupond-Moretti 29.11.23
Communiqué de presse
Le Syndicat de la magistrature (SM) et l’Union syndicale des magistrats (USM) prennent acte de la décision de relaxe concernant Eric Dupond-Moretti rendue le 29 novembre 2023 par la Cour de Justice de la République.
Cette décision intervient à la suite de la plainte déposée par l’association « Anticor », puis du signalement du syndicat Unité Magistrats-FO et, enfin, de la plainte commune de l’USM et du SM et à l’issue d’une enquête de la commission d’instruction de la Cour sanctionnée par une décision de renvoi.
La Cour de justice de la République (CJR) a constaté qu’Éric Dupond-Moretti se trouvait en situation de conflit d’intérêts au moment où il a déclenché une enquête administrative contre M. Levrault et contre trois magistrats du parquet national financier, ce qu’il avait toujours nié. Elle a néanmoins considéré que les actes du garde des Sceaux n’étaient pas susceptibles de recevoir la qualification pénale de prise illégale d’intérêts, faute d’élément intentionnel.
En application de la procédure spécifique à la CJR, le SM et l’USM n’ont jamais eu accès aux pièces de la procédure ni au contenu des déclarations des témoins. Ils les ont donc découverts à l’audience. Ni les victimes ni les plaignants n’ont pu faire entendre pleinement leurs voix pendant l’instruction ou le procès, en contradiction avec les principes fondamentaux du procès équitable.
L’USM et le SM continueront à œuvrer pour le bon fonctionnement de la justice dans notre démocratie. Ils resteront mobilisés pour la défense de l’indépendance de la justice et pour une justice de qualité au bénéfice de nos concitoyens.
Paris, le 29 novembre 2023

Tel 01 48 05 47 88
Mail : contact syndicat-magistrature.org
Site : www.syndicat-magistrature.fr
Twitter : @SMagistrature

Par Syndicat de la Magistrature

Publié le mercredi 3 juillet 2024

Mis à jour le mercredi 3 juillet 2024